La guerre des Lulus,
de la bulle à l’écran
Rencontre avec Régis Hautière
Le scénariste de la bande dessinée à l’origine du film La Guerre des Lulus, Régis Hautière, était loin de se douter qu’un jour son livre serait adapté au cinéma. Il nous raconte comment s’est déroulée cette rencontre et quels liens il a développé avec le 7ème art…
La naissance de La Guerre des Lulus
Originaire de Bretagne, quand je me suis installé en Picardie il y a une vingtaine d’années, je me suis aperçu à quel point la région était marquée par la guerre 14/18 omniprésente dans le paysage, avec les cimetières militaires, les mémoriaux… Cet intérêt grandissant pour l’histoire de la région s’est associé à la volonté de faire plaisir à mes enfants qui à plusieurs reprises m’avaient demandé de mettre en scène des enfants dans une BD. Auparavant tous mes personnages principaux étaient des adultes. Finalement très rapidement, l’envie de regarder un événement historique à hauteur d’enfant est venue et l’histoire de La Guerre des Lulus est née. Il y a maintenant 15 ans…
Qu’est-ce qui vous anime dans ce travail d’auteur de BD tout public ?
Dans les années 40/60, la BD était une lecture qui s’adressait principalement aux enfants. A partir des années 70, on a vu émerger une BD adultes/enfants. Le problème, c’est que, petit à petit, on a oublié la BD tout public avec d’un côté des BD jeunesse et de l’autre des BD ado/adultes. On se plaint beaucoup que le manga rafle tout… mais il y a un gap que j’avais envie de combler et j’avais aussi envie de retrouver les BD de ma jeunesse. Ce que j’aime dans la BD tout public, c’est qu’en fonction qu’on est un enfant ou un adulte, on en a une perception différente. Par exemple dans La Guerre des Lulus, les enfants vont voir d’abord une aventure de copains (qui construisent des cabanes, qui cherchent à manger) alors que les adultes la voit par le prisme de la guerre qui est une menace terrible sur les enfants.
On apprend beaucoup en tant qu’auteur des réactions du public et notamment du jeune public. On oublie souvent la genèse d’une oeuvre, surtout quand elle date de plus de 15 ans. Je fais beaucoup de rencontres dans les établissements scolaires. D’être en contact avec les jeunes, cela m’oblige à m’interroger et à mieux construire les personnages, les faire évoluer. J’adore intervenir dans les classes de CM2, ils ont encore la spontanéité de l’enfance et la maturité suffisante pour avoir une forme de réflexion. J’ai encore beaucoup de surprises dans les questions qu’ils me posent.
La BD est un grand succès, à tel point qu’elle intéresse le cinéma.
Comment s’est articulé ce travail d’adaptation entre vous et le réalisateur ?
Au départ, l’écriture du film m’avait été proposée mais je n’avais pas envie de m’engager dans un projet aussi ambitieux sans aucune expérience, et à l’époque pour des raisons de planning de travail et de collaboration avec les dessinateurs, je ne pouvais pas, pendant 6 mois voire un an, mettre mon travail personnel entre parenthèses.
Ce qui m’intéressait, c’était que le réalisateur s’empare de ce que j’avais écrit pour proposer un regard différent du mien sur l’œuvre. Quand j’ai rencontré Yann Samuell, je l’ai tout de suite mis à l’aise sur sa liberté d’adaptation. Je n’ai pas demandé de droits de regard particuliers, mais les producteurs et le réalisateur l’ont fait d’eux-mêmes et ils m’ont envoyé les différentes versions du scénario. A chaque fois, je leur ai fait part de mes remarques mais sans qu’il y ait aucune obligation d’en tenir compte. Dans mon travail de scénariste de BD, je suis très attaché au souci du détail, au respect de l’époque et à ce qu’il n’y ait pas d’anachronisme. Mes remarques à l’équipe du film ont surtout concerné ces points. La grande différence entre la BD et le film, c’est que dans la BD, on est sur une aventure historique, alors que le réalisateur, quant à lui, s’inscrit plus dans une vision du conte moderne où il reprend les codes qui symbolisent la guerre de 14 dans la conscience collective et ceux du conte comme le petit Poucet, la sorcière… La guerre devient un personnage à part entière, un espèce d’ogre qui dévore tout sur son passage.
Régis Hautière et le dessinateur Hardoc © Thibault Grabherr
Qu’est-ce que ça vous fait de voir votre BD adaptée au cinéma ?
Autant au début je voyais La Guerre des Lulus en dessin animé, autant en fiction, j’étais dubitatif ! Je me disais comment le réalisateur va t-il s’y prendre pour mettre dans un film le contenu de 3/4 tomes de la BD ? Mais dès le départ, je me suis mis en retrait par rapport à cette adaptation : il ne s’agit plus de mon œuvre mais celle d’un autre. Je ne cache pas que c’est très bizarre car ça fait des années que je vis avec mes personnages auxquels je donne vie et que je les fais parler. Le premier visionnage du film était assez perturbant. Pour les suivants, j’ai réussi à me détacher et à regarder le film en lui-même et à prendre même beaucoup de plaisir et notamment dans la réaction des jeunes spectateurs en salle. Cela m’a rassuré et j’ai été surtout ému par la fraîcheur des réactions des enfants. Les valeurs de la BD et son esprit sont respectés tout en étant différents.
Quels liens se sont tissés entre vous et le septième Art ?
Cette rencontre avec le cinéma m’est tombée dessus.
J’étais très détaché du projet au début mais mon implication dès le départ par l’équipe du film dans le montage du projet avec l’envoi des différents scénarios, puis leur invitation à plusieurs reprises (7/8 fois) sur le plateau de tournage, la découverte de la qualité du casting (Isabelle Carré, François Damiens, etc.)… avec tous ces éléments, petit à petit, ils ont su m’embarquer dans l’aventure.
C’est la première fois que j’assistais à un tournage et en plus sur celui-ci, il y avait une super ambiance. Les gens du village pouvaient assister au tournage et ils ont même suivi le chantier de la construction des décors. Ma fille a fait son stage de fin d’étude avec l’équipe déco sur le tournage du film et a été recrutée pour finir le décor. Voir cette transformation de notre œuvre, cette réappropriation est quelque chose de très exaltant. On a hâte de voir comment le public va réagir et on attend de voir l’impact qu’aura le film sur la BD. Aujourd’hui, je m’investis pleinement dans la promotion et je peux prendre cette place-là, parce que j’apprécie le film et l’équipe.
Cette aventure, ça m’a donné envie de m’y mettre ! J’ai un projet d’adaptation d’une autre BD Révolutionnaires mais j’aimerais cette fois-ci co-écrire le scénario pour le cinéma…
La Guerre des Lulus sort en salle le 18 janvier 2023.
Dates d’avant première RENCONTRE & ÉVÉNEMENT
10 janvier
La Faïencerie à Creil
13 janvier
CGR à Saint Quentin
14 janvier
Ciné Laon à Laon, Le Sonhir à Hirson, Cinéma Piccoli Piccolo à Vervins, Cinéma Le Palace à Fourmies, Cinéma Le Select à Le Cateau-Cambrésis, Cinéma Le Vox à Guise
Crédit photo couverture © Adèle Hautière