À la rencontre de 3 lieux de projection alternatifs
Découvrez trois lieux de projection alternatifs en Hauts-de-France, hors des salles de cinéma classiques dotées d’une autorisation d’exercice du CNC. L’hybride et le Cinéma l’Univers, qui existent de longue date à Lille, et le petit nouveau, Le Drame à Amiens, offrent chacun une expérience cinématographique singulière, empreinte d’originalité. Explorez ces initiatives passionnées qui nourrissent un amour profond du cinéma, de la convivialité et d’une relation authentique avec leur public.
La genèse des projets ?
Chacune de ces salles a une histoire unique, mais ce qui les relie, c’est le désir d’un espace convivial pour visionner des films atypiques et favoriser les échanges entre les spectateurs et les cinéastes.
L’hybride, a vu le jour en 2007, inspiré par les festivals de courts métrages organisés par les Rencontres Audiovisuelles dans la Métropole Lilloise. Ils voulaient créer une salle chaleureuse qui rappellerait l’ambiance festive de ces événements, renforçant leurs liens avec le territoire, les partenaires, le public et les bénévoles. Le lieu regroupe ainsi l’accueil, le bar et la salle de projection, le tout équipé de canapés récupérés à droite et à gauche.
En 2007, la Ville de Lille confie les clés d’un ancien cinéma, l’Univers, à 7 associations pour programmer des soirées cinéma. C’est ainsi qu’est né le modèle actuel de la salle avec une quarantaine d’associations membres du collectif collaborant pour la programmation, soutenues par l’équipe de l’Univers.
Le Drame, quant à lui, est né en 2023 à Amiens, impulsé par un collectif de 6 personnes désireuses d’accéder à une variété de films en salle, y compris des films anciens, de formats différents, et des documentaires. Ils ont rencontré l’association Les Yeux, qui souhaitait créer un bar et un espace d’exposition. Ensemble, ils ont donné naissance à un lieu indépendant qui mélange projections, convivialité et création artistique.
L’hybride
La programmation, quelle ligne éditoriale ?
La marque de fabrique des 3 salles est l’accompagnement par la parole de chaque projection. Cela se concrétise par une proximité entre cinéastes et spectateurs, et des débats après les projections dans la salle ainsi qu’au bar.
À L’hybride, l’équipe salariée propose une programmation dédiée aux courts métrages de tous genres, en collaboration avec des partenaires locaux, nationaux, voire internationaux, pour des sujets liés au cinéma, à la société ou à des causes militantes. Les spectateurs font confiance au lieu pour sa diversité de contenus, et viennent souvent sans forcément connaître le programme. La liberté qu’offre le format court leur garantit ainsi qu’il y aura toujours quelque chose qui leur plaira.
Tant Le Drame que l’Univers ont une programmation gérée par un collectif, avec plusieurs programmateurs plutôt qu’un seul permanent. Cela favorise la diversité et la liberté d’expression cinématographique.
Le Drame se concentre sur la diffusion de films, peu, plus ou pas projetés, dans les salles de cinéma, y compris des réalisateurs locaux et des projets en cours. Ils accueillent également des projections d’autres associations.
Quant à l’Univers, la programmation n’est pas définie par une ligne éditoriale, mais dépend plutôt des préférences du programmateur en fonction de son public ou de ses causes. Ils mettent tout de même l’accent sur la diffusion d’une cinématographie peu visible dans les autres cinémas et favorisent la transdisciplinarité en croisant les formes d’expressions artistiques (cinéma/musique, cinéma/arts plastiques…). A travers le projet, « Des Images à Tous Les Âges », ils développent une programmation pour le jeune public et proposent des activités éducatives liées à l’image, ainsi que du soutien à la parentalité.
L’Univers
Le Drame
Quel public et quelle relation ?
Chaque salle a son propre public, mais comment l’élargir ? Pour ce faire, elles redoublent d’imagination en proposant des séances spéciales, des horaires adaptés, en communiquant activement tout en restant attentives aux préoccupations et aux goûts du public.
Pour L’hybride, les étudiants et les jeunes adultes constituent le public majoritaire.
Le Drame attire un public varié qui change en fonction des soirées, allant des étudiants aux personnes de plus de 50 ans. Les membres s’attachent à créer une diversité.
L’Univers est encore plus diversifié, chaque association ayant son propre public qu’il soit cinéphile, militant, étudiant…
Le défi pour ces salles réside dans l’attraction d’un public différent. Pour cela, elles font preuve de créativité en organisant des événements spéciaux, comme le festival Sorcières par Le Drame, des conférences gesticulées avec des courts métrages par L’hybride, et les Cinés Pouss’ Pouss’ par l’Univers, destinés aux parents…
L’hybride
L’équilibre financier ?
L’équilibre financier des salles alternatives non commerciales est fragile. Chaque salle a son propre modèle économique, mais elles sont toujours confrontées à des défis.
La salle Le Drame a pu ouvrir grâce à beaucoup d’efforts de la part de ses fondateurs, qui ont effectué eux-mêmes les travaux et cherché du matériel à moindre coût, voire récupéré. Pour l’instant, ils ne réalisent quasiment aucun profit, réinvestissant chaque centime dans l’équipement. Une cagnotte en ligne est en cours pour soutenir les investissements nécessaires. La salle fonctionne au rythme d’une ouverture par semaine, et les fondateurs travaillent bénévolement.
Selon Antoine Manier, directeur des Rencontres Audiovisuelles, « L’hybride reste, même après toutes ces années, un projet modeste et militant qui survit grâce à un écosystème composé de salariés, de bénévoles et du fonctionnement global de la salle ». La salle propose plusieurs programmations chaque semaine, mais malgré les recettes et les subventions, l’équilibre financier reste précaire.
De même, l’Univers maintient une forme de stabilité économique grâce à des subventions, aux cotisations des associations membres, et à des activités éducatives ou ateliers créatifs. L’Univers, en plus de l’équipe salariée, repose sur des bénévoles pour son fonctionnement. Chaque association membre est responsable de la négociation des droits de projection et de leur paiement, ce qui renforce leur programmation foisonnante.
Pour préparer cet article nous avons échangé avec :
L’hybride
Antoine Manier, directeur de l’association Les Rencontres Audiovisuelles
Thomas Vallois, programmateur de L’hybride
L’Univers
Laura Bauer, médiatrice culturelle et programmatrice
Marie Maillard, chargée de coordination du projet global et d’administration
Le Drame
Myriam Muller, une des 6 membres fondateurs de la salle
Pour aller plus loin…
Crédits photos © L’hybride, l’Univers et le Drame