En route pour des tournages éco-responsables
En France, l’industrie audiovisuelle (incluant le cinéma, la télévision, la publicité, l’archivage, les projections et le streaming) génère chaque année plus d’1,7 million de tonnes équivalent CO2 dans l’atmosphère. Depuis quelques années, des outils sont développés pour réduire son impact et notamment celui des tournages…
Pollution banalisée
Saviez-vous que pour la scène d’ouverture d’Apocalypse Now, la forêt a réellement été brûlée avec plusieurs milliers de litres d’essence, à grand renfort de pneus pour noircir la fumée ? Mais il n’y a pas que les grandes productions comme Titanic, The Expendables 2, Spectre, Games of Thrones, The Dark Night Rises… dont le tournage est une aberration environnementale. En 2018, le tournage de Donne-moi des ailes, film de Nicolas Vanier au postulat écologique, a causé la perte de 500 œufs de flamants roses, espèce protégée. De façon moins spectaculaire, plus quotidienne, le cinéma est une activité polluante.
Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Etats-Unis, 1979
De quoi parle-t-on ?
Durant la phase de création, le tournage est le plus polluant ; en première ligne : les transports, les déchets et les logements. L’impact total varie selon le type de projet : en Angleterre (car les chiffres manquent pour la France), une fiction de plus de 80 M€ génère environ 2 840 tonnes eqCO2 contre 44 à 107 tonnes eqCO2 pour un téléfilm standard et 13 tonnes en moyenne pour un documentaire (source : étude Ecoprod 2020).
Action !
En 2019, le tournage de la série L’Effondrement, qui imagine la chute de nos sociétés, est pensé pour réduire au maximum son impact environnemental. La production embauche une référente éco-production qui imagine un cahier des charges avec les chefs et cheffes de poste : limiter le nombre et la taille des camions régie, remplacer les voitures individuelles par des navettes collectives, réduire la puissance de l’éclairage, louer plutôt qu’acheter les costumes, utiliser du maquillage bio, supprimer le gaffer, remplacer les bouteilles en plastique par des gourdes, alimenter la table régie par des produits en vrac et locaux, installer une cantine végétarienne, recycler les mégots… Les possibilités sont nombreuses et chaque corps de métier peut agir.
Jérémy Bernard, Guillaume Desjardins et Bastien Ughetto, membres du collectif Les Parasites, auteurs-réalisateurs de la série L’Effondrement.
Structures ressources
Le collectif Ecoprod, créé en 2009 pour sensibiliser le secteur de l’audiovisuel et du cinéma à son impact environnemental, a publié des études, un guide de l’éco-production, des fiches pratiques, un label, un annuaire… à consulter sans modération. Le 13 décembre 2022, Ecoprod a organisé les Assises de l’écoproduction.
Depuis, d’autres collectifs sont nés, entre autres par corporations, comme le collectif Eco Régie Ciné.
Plus récemment, deux anciens régisseurs ont créé Secoya, une agence de conseil sur les enjeux environnementaux et sociaux de l’audiovisuel, du cinéma et de la publicité.
Des structures comme La réserve des arts en Île de France ou ArtStock en PACA sont spécialisées dans la récupération et le reconditionnement des décors, costumes et accessoires.
Certaines écoles, comme La Fémis, commencent à intégrer dans leur enseignement, et pour toutes les filières, une sensibilisation à l’éco-conception.
Conférence « Le Cinéma pour le climat » au Festival de Cannes 2021
Des collectivités qui (ré)agissent
Côté Régions, l’Île de France et la Corse proposent un éco-bonus depuis plusieurs années.
Depuis septembre 2022, le Bureau d’accueil des tournages des Pays de la Loire se fait accompagner par Secoya dans la transition socio-écologique des productions accueillies dans la région, autour de 8 thématiques : empreinte carbone, alimentation, achats responsables, mobilité, démarche sociétale, communication, déchets, énergie.
Le CNC s’empare aussi de la question : à partir du 31 mars 2023, lorsqu’ils formuleront une demande d’aide, les producteurs et productrices devront transmettre au CNC un bilan carbone des œuvres produites. Cette mesure d’écoconditionnalité des financements versés par le CNC sera effective à compter du 1er janvier 2024.
The Baptman © Billy Drausin
Pour aller plus loin
- La réécoute de la table ronde « Vers une filière cinéma éco-responsable » organisée par le Pôle cinéma audiovisuel des Pays de la Loire.
- Les fiches environnement réalisées par l’Association française du son à l’image.
- Une interview des membres du collectif Les Parasites sur le site du CNC.
- Une vidéo de communication sur le tournage durable de The Amazing Spiderman 2.
- BAYON Estelle, « Le cinéma de l’humilité : un imaginaire environnemental cinématographique », Raison publique, 2012/2 (N° 17), p. 93-104. DOI : 10.3917/rpub.017.0093.