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Les initiatives culturelles rurales sous le feu des projecteurs

Connu pour ses vastes étendues de champs céréaliers, de blé et de betteraves, l’Aisne est un département où la ruralité est au cœur de l’identité et du quotidien des habitants. Cette ruralité s’accompagne de défis : mobilité, accès aux services publics, dynamisme économique. Et la culture cinématographique et audiovisuelle dans tout cela ? Malgré les embûches, des passionnés de cinéma, partenaires de nos projets, relèvent le défi d’un accès universel à ce droit culturel. Qui sont-ils ? Comment et pourquoi s’engagent-ils ?

La ruralité, un terreau fertile pour l’innovation culturelle

En janvier 2024, le Ministère de la Culture lance le Printemps de la ruralité : une initiative visant à renforcer la place de la culture dans les territoires ruraux. Une grande consultation nationale sur la vie culturelle en milieu rural s’ensuit, valorisant les réussites et identifiant les freins à lever pour adapter les politiques publiques. Mais qu’entend-on par ruralité ?

L’Insee définissait jusqu’en 2020 le rural comme l’ensemble des communes n’appartenant pas à une unité urbaine (2 000 habitants ou plus dans un espace bâti continu). Ainsi, les territoires ruraux, très peu denses, représentent 88 % des communes françaises et accueillent 33 % de la population en 2017. Un tiers des Français vit donc en milieu rural. Ces territoires rencontrent des difficultés spécifiques pour développer des projets culturels : manque de visibilité, diffusion limitée et une répartition géographique complexe des initiatives. À cela s’ajoutent la baisse des moyens des collectivités, le manque de lieux dédiés et la concentration des financements vers les métropoles.

L’Aisne, un territoire rural au cœur de l’innovation

Département le plus rural des Hauts-de-France, l’Aisne compte un habitant sur quatre vivant dans une commune rurale, contre un sur dix en moyenne régionale. Les défis sont multiples, qu’il s’agisse des difficultés socio-économiques du nord de l’Aisne, ou de la Thiérache marquée par le déclin démographique et économique. Pourtant, ces obstacles sont aussi des opportunités pour innover.

C’est ici que la défense d’une offre cinématographique plurielle, diverse et de qualité, ouverte à toutes et tous, prend tout son sens. L’Acap et ses partenaires portent cette flamme à travers des projets comme Passeurs d’images, les dispositifs scolaires d’éducation aux images, ou encore des initiatives locales comme au cinéma de Vervins et à la Boîte à bascule à Liesse Notre-Dame. La communauté de communes d’Oulchy-le-Château et Ciné-Jeune de l’Aisne illustrent aussi cette dynamique. Ces initiatives démontrent la nécessité de transversalité comme clef du succès pour les projets culturels en milieu rural.

la Boîte à bascule

Des acteurs essentiels pour la cohésion territoriale

Les partenaires culturels, que ce soit localement ou à l’échelle départementale, jouent un rôle clé en tissant des liens, en créant du collectif et en générant des rencontres. À l’Espace N’Co, par exemple, les habitants viennent chercher de l’aide face à leurs problématiques numériques. Quant à la Boîte à bascule, leur ambition est de créer une « toile vivante de liens sociaux, d’échanges, de solidarités, d’expressions culturelles et de découvertes cinématographiques ».

Au cinéma de Vervins, les connexions sont encouragées par des coopérations et des mutualisations de ressources. Une initiative originale consiste à impliquer les résidents de l’EHPAD dans le pliage des programmes du cinéma toutes les trois semaines. L’idée de transformer le cinéma en vecteur de lien social permet de renforcer ce sentiment de communauté, même dans les petites villes comme Vervins (2 600 habitants). Jean-Baptiste Mulet, l’un des acteurs clés, insiste :

« Le cinéma n’est pas seulement un espace pour regarder des films. C’est un outil pour tisser du lien social, surtout dans une période aussi troublée. Nous fédérons les gens autour d’émotions partagées, et c’est essentiel. »

Espace N’Co

Une mission d’utilité publique

Dans une partie de l’Est du département, qualifiée de « zone blanche », la Boîte à bascule a ouvert un espace de vie sociale. Ce tiers-lieu ambitionne de devenir un lieu de convivialité, avec une salle de spectacle, un café associatif, et des espaces d’accueil pour les jeunes enfants et les ateliers. Loïc Dazin, de Ciné-Jeune de l’Aisne, confirme que ces actions sont une mission d’utilité publique :

« Aller dans des lieux comme Guise, confrontés à la pauvreté et à l’isolement, nous motive à ouvrir ces populations à d’autres cultures, pour éviter qu’elles ne restent en vase clos. »

Des propositions culturelles qui fidélisent

La demande culturelle est forte dans l’Aisne, signe que les besoins sont grands. À la Boîte à bascule, un noyau d’une trentaine de spectateurs fidèles participe régulièrement aux projections du ciné-club. À Vervins, la programmation a été adaptée pour inclure des séances en soirée, comme les mardis pour les agriculteurs, ou des séances thématiques accompagnées de discussions autour d’un café.

« Notre succès ne se mesure pas en termes monétaires, mais par les j’aime, les commentaires et le nombre croissant de spectateurs enthousiastes, » confie Jean-Baptiste Mulet.

Cinéma Piccoli-Piccolo

La culture comme vecteur de cohésion

Malgré les défis, ces initiatives démontrent la capacité de la culture à rassembler, à innover et à renforcer le lien social dans des territoires où les habitants se sentent souvent délaissés. La culture est ici bien plus qu’un divertissement : elle devient un moteur d’inclusion et un pont entre les habitants d’une même région. Ces projets culturels, portés par une vision collective, montrent qu’il est possible de bâtir un avenir où chacun a sa place.

Pour aller plus loin

  • La Boîte à bascule, créée par Axelle Munich et Eric Swietek en 2022, développe des actions culturelles et artistiques autour de l’image et du son, avec la création d’un lieu à Liesse Notre-Dame, des ateliers et un ciné-club à Laon.
  • Ciné-Jeune de l’Aisne, active depuis 40 ans, organise un festival itinérant et des actions d’éducation à l’image pour les jeunes, avec notamment, Loïc Dazin.
  • Espace N’Co, un tiers lieu numérique à Oulchy-le-Château, accompagne la population dans l’usage des outils numériques, animé par Stéphanie Baudinot.
  • Cinéma Piccoli-Piccolo à Vervins, relancé par une équipe bénévole sous la direction de Jean-Baptiste Mulet, qui a surmonté des défis pour sauver le cinéma.

Sur l’Aisne et la ruralité :