L’horizon d’Émilie Carpentier Portait d’une jeunesse lumineuse et énergisante
Une rencontre surprenante entre la jeunesse de la Génération Climat et celle des quartiers populaires, telle est la promesse de L’Horizon, le premier long métrage d’Émilie Carpentier, cinéaste remarquée avec le court Les Ombres qui me traversent. Un portrait rafraîchissant de la jeunesse d’aujourd’hui, tournée en partie à Creil, sur les écrans dès le 9 février 2022.
Au cœur de sa banlieue lointaine où s’enlacent bitume et champs, Adja, 18 ans, brûle du désir de vivre intensément. Elle cherche sa voie entre sa meilleure amie influenceuse qui brille sur les réseaux sociaux et son footballeur de grand frère qui sature tout l’espace de réussite familiale. L’inattendu que lui propose la ZAD (Zone À Défendre) installée à la limite de son quartier l’attire. S’y rapprochant d’Arthur, ami de lycée, elle y vit des journées intenses et décisives où le choix d’un monde plus durable lui retourne le cerveau tout autant qu’il l’amène à prendre des risques aux côtés de cette Génération Climat.
« La première image que j’ai eue de ce film, ce sont ces jeunes gens magnifiques formant une ligne d’énergie face au spectateur, comme un horizon lumineux pour la France de demain… »
L’Horizon est le portrait d’une jeunesse débordante d’énergie. D’où est venue cette envie de dépeindre la jeunesse sous cet angle ?
Cette énergie, je l’ai rencontrée chez des adolescentes et adolescents, issus de famille africaine, pour lesquels j’ai animé des ateliers cinéma pendant dix ans dans une maison de quartier à Villejuif. Alors bien sûr, il y avait des difficultés chez les jeunes avec qui je travaillais, mais il y avait une lumière vibrante qui émanait d’eux, que l’on ne met pas assez en avant. Leur regard m’a fait changé de perspectives sur certaines choses et cela m’a été salutaire. J’ai eu envie de transmettre ce ressenti aux spectateurs, parce que je revenais de mes séances passées avec eux chargée d’une énergie folle. D’ailleurs, deux de ces adolescentes sont devenues les co-scénaristes de L’Horizon : Assmar Abdillah et Dany Bomou.
Pourquoi avoir fait appel à ces deux jeunes filles pour écrire le scénario avec vous ?
Assmar et Dany ont des personnalités incroyables et beaucoup d’humour, elles sont très inventives, me font réfléchir. Je ne me voyais pas écrire ce film sans les y associer, sans confronter mon projet à leurs points de vue affûtés. J’ai utilisé le même procédé que dans nos ateliers, en dirigeant cette fois-ci la narration. Je commençais nos séances de travail par résumer là où j’en étais de l’histoire, des personnages, des séquences et elles rebondissaient en posant des questions ou en apportant des anecdotes. Tout cela m’aidait à avancer dans le scénario. Ensuite, je leur proposais d’improviser les scènes en jouant les personnages, je les filmais et à partir de ces rushs, j’écrivais les dialogues.
La banlieue verdoyante rayonne. C’est une image peu habituelle que l’on a des quartiers populaires en banlieue…
Souvent je voyais des représentations de la banlieue assez noires, sombres, axées sur des problèmes sociaux et loin de celle que je connaissais. A l’époque, j’étais investie dans le collectif qui luttait contre le projet de centre commercial Europacity à Gonesse. L’idée n’était pas de représenter la banlieue comme la fin de la ville, mais au contraire comme un espace qui ouvre sur la nature car après il y a la campagne. L’endroit où l’urbain et le rural ont l’espace de se rencontrer et où ils produisent actuellement des lieux nouveaux. C’est là que naissent aujourd’hui les “fermes urbaines”, les “jardins partagés” où les initiatives alternatives et citoyennes ont l’espace de se déployer, un espace très intéressant d’ailleurs pour la transition écologique des grandes villes. Il y avait dans le fond de la réflexion beaucoup de similitudes entre ces deux mondes, entre les quartiers populaires et les militants écolos, entre la campagne et la ville, c’est simplement qu’ils n’ont pas les mêmes codes.
C’est ce mélange entre la ville et la campagne des Hauts-de-France qui vous a attiré comme lieu de tournage pour votre film ?
J’avais envie d’un film un peu cartographique, où le paysage est vraiment un personnage, avec cette porosité entre la ville et la campagne, une ville qui touche la campagne avec des terres agricoles plus poétiques. C’était proche des paysages qui visuellement m’avaient inspirée et qui correspondaient le plus à ce que j’avais imaginé.
La musique est très puissante et présente, pourquoi ce choix ?
A travers le choix de la musique, je voulais rester dans l’énergie que les jeunes me transmettait. J’ai choisi des morceaux de jeunes artistes d’aujourd’hui, Rilès, Muzi, Stromae, Mura Masa et d’autres plus émergents… que mes personnages pourraient écouter, et que j’écoutais moi-même pendant l’écriture du scénario. En mettant la musique au cœur du film, je voulais rendre hommage à la créativité d’artistes emblématiques et forts de leurs métissages culturels, qui ressemblent aussi bien aux personnages du film qu’à la porosité du sujet traité.
Quel horizon voyez-vous pour la jeunesse d’aujourd’hui ?
Je constate une jeunesse acculée par les pouvoirs publics au bord du précipice, mais une jeunesse bien vivante et vibrante.
Pour moi, cette ribambelle de jeunes c’est eux, l’horizon de notre pays.
La rencontre entre ces deux jeunesses : celle de la Génération Climat et celle des quartiers, c’est l’horizon que je souhaite pour nous tous, car je pense qu’ils ont un regard assez salutaire sur la situation.
BANDE ANNONCE L’HORIZON
FILMOGRAPHIE D’ÉMILIE CARPENTIER
LONG MÉTRAGE :
- L’Horizon – 2021
COURTS MÉTRAGES :
- Au Large (23 mn) – 2010 – Prix Qualité du CNC
- Les Ombres qui me traversent (20 mn) – 2007 – Prix Qualité du CNC, Prix SACD Meilleure 1ère Œuvre de Fiction, Festival de Clermont-Ferrand Prix Fujifilm, Festival Tous Courts, Aix-en-Provence
WEB-SÉRIES :
- L’Enfant rouge Collectif TRIBUDOM – 2014 – Épisode 3 (25 mn)
- Demain j’lui dis Collectif TRIBUDOM – 2013 – Épisodes 4 et 6 (18 et 22 mn)
Crédit photo : L’Horizon © Les Films du Losange