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Quel potentiel pédagogique pour le court métrage ?

Entretien croisé

Quel est le potentiel du court métrage dans le cadre de l’apprentissage ? Pour mieux comprendre son impact en classe, nous avons échangé avec Agnès, professeure de lettres passionnée de cinéma, et l’Agence du court métrage, structure engagée dans la promotion et la diffusion de ce format.

AVANT DE RENTRER DANS LE VIF DU SUJET, LE COURT MÉTRAGE, C’EST QUOI POUR VOUS ?

L’Agence : Un court métrage, c’est un film d’une durée inférieure à une heure. Il est essentiel de rappeler qu’il s’agit bien d’un format et non d’un genre : en court métrage, tous les genres sont représentés : documentaire, fiction, expérimental… Qu’il soit court ou long, c’est du cinéma !

Agnès : À l’origine, cette distinction repose sur la durée, mais le court métrage se caractérise souvent par sa diversité. Les réalisateurs et réalisatrices y explorent plus librement les genres, les formes et les écritures. Beaucoup de courts sont très marqués esthétiquement et narrativement, ce qui les rend particulièrement intéressants sur le plan pédagogique. Par exemple, pour faire découvrir le cinéma expérimental à mes élèves, je vais naturellement me tourner vers des courts métrages.

QUEL POTENTIEL PÉDAGOGIQUE INDUIT LE FAIT DE TRAVAILLER SUR LE COURT MÉTRAGE ? EST-CE QU’ON ABORDE UN COURT DIFFÉREMMENT D’UN LONG ?

Agnès : La brièveté du court métrage facilite son exploitation en classe : on peut le visionner dans son intégralité et même le revoir. Ce format permet de faire découvrir aux élèves des films riches et variés, une approche esthétique diversifiée et une ouverture d’esprit. En revanche, s’il est plus simple à montrer en termes de durée, il ne l’est pas forcément sur le fond. Certains courts abordent des thématiques ou des traitements complexes.

L’Agence :  C’est exactement ce que nous défendons à l’Agence. Contrairement aux longs métrages, qui nécessitent souvent un découpage en extraits, le court permet d’être vu et analysé dans son ensemble. Cela offre un véritable confort d’apprentissage.

QUEL EST L’INTÉRÊT DE PROGRAMMER PLUSIEURS FILMS COURTS ensemble, alors que leurs cinéastes ne les ont pas pensés en lien les uns avec les autres ?

L’Agence : Voir un court métrage comme une œuvre à part entière est passionnant, mais l’insérer dans un programme thématique l’est tout autant. Cela permet d’explorer une diversité de regards et d’affiner l’analyse critique en mettant les films en dialogue. Il faut aussi rappeler que programmer des films est un véritable travail artistique. Un programme de courts ne se construit pas au hasard : c’est un geste de programmation réfléchi et créatif.

Agnès : C’est vrai que la comparaison peut parfois biaiser l’analyse d’un film, mais tout dépend du choix des œuvres mises en parallèle. Confronter différents courts métrages met en lumière leur singularité et aide parfois les élèves à mieux formuler leur pensée. Cela les pousse à argumenter au-delà du simple « j’aime » ou « je n’aime pas ». D’ailleurs, dans d’autres matières, les élèves sont déjà habitués à comparer différentes réalités : pourquoi ne pas le faire avec le cinéma ?

COMMENT SÉLECTIONNEZ-VOUS LES COURTS MÉTRAGES À VISÉE PÉDAGOGIQUE ?

Agnès : Tout dépend du contexte. Par exemple, lorsque nous étudions des nouvelles en français, le format court est idéal pour établir des liens entre procédés littéraires et cinématographiques. Je peux aussi choisir un film en fonction d’une problématique ou d’un thème, mais mon critère principal reste la richesse esthétique, narrative et formelle. Je ne sélectionne jamais un film uniquement pour illustrer un propos : il doit avoir une vraie force artistique. Dans mes cours d’option cinéma, la logique est un peu différente : je peux proposer un court métrage avant tout pour ses qualités techniques, comme un film tourné en plan-séquence.

Quelle serait la première étape pour un enseignant souhaitant travailler sur le court métrage ?

L’Agence : Nous conseillons souvent une séance thématique basée sur la comparaison de deux courts métrages d’époques et de genres différents. Par exemple, un film burlesque de Chaplin ou Keaton mis en regard avec une œuvre contemporaine comme celles d’Abel et Gordon. Ce type d’approche comparative permet de structurer de manière assez simple la séance et de familiariser les élèves avec le format court.

Agnès : Une autre bonne entrée en matière est la rencontre avec un professionnel du cinéma. Cela peut aider les enseignants à se sentir plus à l’aise avec le format court. Dans le cadre du dispositif Lycéens et apprentis au cinéma, il y a souvent des interventions de cinéastes en classe autour d’un court métrage. Cela permet, je pense, à certains enseignants de se rendre compte que c’est un format qu’on peut étudier en classe sans problème.

Les principaux freins à l’utilisation du court métrage en classe sont souvent les mêmes : “auteurs méconnus”, “trop peu de ressources pédagogiques”, “manque de films disponibles”. Qu’en pensez-vous ? Quels conseils donneriez-vous ?

L’Agence : Comment ne pas prêcher pour notre paroisse ? À l’Agence du court métrage, notre mission est justement de faciliter l’accès aux films courts et à leur accompagnement pédagogique. La plateforme Kinétoscope, par exemple, propose environ 240 films disponibles légalement en contexte éducatif, la plupart accompagnés d’activités clés en main et de ressources pédagogiques.

Agnès : De nombreux dispositifs scolaires d’éducation au cinéma incluent déjà des courts métrages, et ils sont toujours accompagnés de dossiers pédagogiques. Des plateformes comme Upopi, Le Fil des images, Transmettre le cinéma, ou encore l’Acap sont d’excellentes ressources pour les enseignants.

VOS COUPS DE CŒUR À NE PAS RATER POUR LES JEUNES ?

L’Agence :

  • Pour les maternelles, le cinéma expérimental fonctionne étonnamment bien. Des films comme Jeux d’images de Norman McLaren captivent les tout-petits grâce à leurs effets visuels et sonores. Les adultes sont parfois surpris, mais les enfants y sont très réceptifs !
  • Pour les primaires, La Saint Festin d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand est un bijou d’animation. Ce film navigue entre rire et effroi, et permet d’aborder des notions comme le suspense et les émotions.
  • Pour les collégiens, Kwa Heri Mandima de Robert-Jan Lacombe est une pépite. Ce documentaire en images fixes permet d’explorer des notions concrètes de mise en scène (cadrage, montage, archives) tout en ouvrant sur des thématiques fortes : mémoire, exil, identité.
  • Pour les lycéens, Massacre de Maïté Sonnet.

Agnès : Planet Z de Momoko Seto et Étreintes de Justine Vuylsteker sont des courts métrages qui offrent une véritable porte d’entrée vers la poésie visuelle. Mes élèves ont pris conscience qu’au cinéma aussi, on peut embellir le réel, comme le font certains poètes avec les mots.

 
Pour aller plus loin :

Sur le territoire des Hauts-de-France, les occasions sont nombreuses pour découvrir le court métrage sous toutes ses formes :

Des sites spécialisés dans la diffusion de courts métrages :

  • Atout court, magazine du court métrage en Hauts-de-France – Wéo
  • Brefcinema, plateforme dédié au court métrage – L’Agence du court métrage
  • Court-circuit, magazine du court métrage – ARTE
  • Courts & Créations, magazine du court métrage – Canal +
  • Films pour enfants – portail de films d’animation pour enfants
  • Histoires courtes, magazine du court métrage – France 2
  • KUB, des documentaires et courts métrages de tous genres en ligne – Kultur Bretagne
  • Les yeux doc, la plateforme du catalogue national de films documentaires – Bibliothèque publique d’information – Centre Pompidou
  • Libre court, magazine du court métrage – France 3
  • La Médiathèque numérique, plateforme via des bibliothèques, des établissements culturels, des CSE… , des courts, longs métrages et documentaires – ARTE et Univers Ciné
  • Tënk, plateforme du documentaire d’auteur

Court métrage et pédagogie :

Pratiquer en Hauts-de-France :

  • Structures d’éducation aux images en Hauts-de-France – Acap – pôle régional image
  • Accompagnements jeune création cinéma-audiovisuel en Hauts-de-France – Acap – pôle régional image